samedi 21 avril 2018

Le tour du bloc

Enfant, adolescent, un de mes grands plaisirs – partagé avec certains frères et amis – était de faire à bloc le « tour du bloc »… Nous roulions à vélo pour parcourir le plus vite possible ces quelques 750 mètres. Il n’y avait pas encore trop de voitures, mais il fallait quand même faire attention quand nous tournions dans la rue Vanderkindere. Après, cela allait mieux. L’effort essentiel était dans la montée de la rue Lincoln. Un effort bref, suivi de la descente à fond de l’avenue Bel Air et le tournant fou vers la rue Joseph Hazard avant le sprint final. Je ne sais plus trop quel devait être le record, sans doute un peu plus d’une minute ! Quel bonheur !

On s’amuse avec ce qu’on peut ! C’était un plaisir simple, quoique dangereux. Heureusement, il n’y eut jamais de gros dégâts !

Aujourd’hui, les parents qui laisseraient leurs enfants réaliser un tel tour contre la montre seraient considérés – peut-être avec raison – comme des parents indignes. Bien trop dangereux !

Cependant, ce soir, accueillant mes deux petits-enfants, j’ai été ravi de les voir faire leur « tour de bloc » ! Oh, ce n’est pas vraiment le même. Élise, bientôt 2 ans et Alexis, bientôt 5 ans… Leur tour, ils ne le font qu’en trottinant avec leurs pieds. Dans le jardin ! Celui-ci offre la possibilité de réaliser « un tour », et ils ne s'en privent pas, avant – quand ils seront plus grands – de faire le tour de la maison !

C’est assez subjuguant de voir leur plaisir à courir inlassablement pour parcourir ce petit tour, juste pour le plaisir de le sillonner.

Finalement, si c’était ça, le vrai sens de la vie : simplement, faire le « tour du bloc » pour le bonheur simple de partir et de revenir ? Que la montre tourne ou non, cela n’a finalement pas la moindre importance. L’essentiel n’est-il pas de savoir qu’on peut partir… et revenir ?

vendredi 20 avril 2018

Aménager la fin de sa carrière

Personnellement, c’était une nécessité, une évidence ! Dès mes 55 ans, je suis passé à un 4/5 temps, dans un système de « crédit-temps ». J’y perdais quelque argent, mais de manière modérée, et je pouvais me le permettre. À 60 ans, j’ai accepté de prendre un mi-temps, plus pour l’équilibre économique de l’entreprise que par conviction personnelle, mais j’y trouvais mon compte en termes de temps et de détente. Le job restait difficile et – deux  ans plus tard – apparaissant que je pouvais prendre ma retraite à 62 ans au lieu des 65 que je croyais m’être imposés, j’ai décidé de cliquer sur le bouton demandant ma retraite anticipée. J’en profite depuis le 1er janvier 2016. J’y perds de l’argent, mais celui-ci n’a jamais été ma priorité. Sans être riche, loin de là, je suis à cet égard un privilégié : tout le monde ne peut pas dire la même chose. Or, on est dans une époque où – pour nos responsables – seul compte l’allongement des carrières plutôt que l’aménagement de leur fin. Quoique.

À Charleroi, une expérience vient de débuter. Elle vise à permettre à certains membres du personnel communal, exerçant des métiers lourds (agents de voirie, ouvriers du service propreté et personnel du service d’entretien des bâtiments), de ne plus travailler – à partir de 60 ans – qu’à 4/5 temps, sans perte aucune de salaire. Cela ne concerne pour le moment que 36 agents communaux sur une administration de quelque 4000 personnes, auxquels s’ajouteront d’ici peu (avec effet rétroactif) 9 des 2500 employés du CPAS officiant en première ligne ou exposés à une pénibilité physique. De plus, la Commune s’engage à une embauche compensatoire : 7,8 équivalents temps plein à la Ville et 2,5 au CPAS.

Tout n’est sans doute pas parfait dans cette expérience pilote, y compris la question de savoir si elle sera prolongée et/ou étendue. N’empêche, alors que la tendance est plutôt à l’allongement inconsidéré des carrières, il est plaisant de voir qu’il est possible de réfléchir aussi en termes d’aménagement des fins de carrière. Économiquement parlant, cela a un coût, c’est évident ! Mais pour les personnes qui peuvent bénéficier de ces aménagements, quels changement dans la qualité de leur vie ! Rien que de savoir que cela existe quelque part, dans notre Belgique, je reprends confiance dans la gestion de la chose publique, « res publica » ! Puissent tous nos politiciens, à quelque niveau que ce soit, entendre ce chant social qui n’a rien à voir avec celui des sirènes !

samedi 14 avril 2018

Vint le vin vain

En ce moment, je devrais être en train de rouler vers un petit village namurois pour aller y chercher un lot de 147 bouteilles de vin, achetées pour 100 EUR. Sans aucune garantie de qualité. Toutes sortes de bouteilles, conservées depuis je ne sais quand, un peu n’importe comment, dans un garage. Sans aucune illusion donc, mais à 0,68 EUR la bouteille, il ne devrait pas y avoir trop de regrets. Avec l’espoir que dans le tas, il y en ait quelques-unes de bonne qualité !

Je n’avais donc pas hésité trop longtemps devant cette offre publiée sur une de ces « brocantes » virtuelles qui fleurissent sur Facebook. Échange par message privé avec la vendeuse, accord pour prise de livraison ce matin. Bref, tout baignait !

Sauf que la dite vendeuse m’a envoyé durant la soirée ce message : « Désolée mais quelqu'un vient de venir chercher les bouteilles. J'ai préféré vendre au premier venu. » ! J’ai râlé évidemment et je le lui ai dit, mais pouvais-je m’attendre à mieux ?

Je ne sais pas ce qu’il s’est exactement passé. L’acheteur s’est non seulement engagé à venir chercher le lot immédiatement, mais il est fort possible qu’il a aussi surenchéri. Ce qui aurait évidemment incité la brave dame à vendre à ce plus offrant. Là où elle aurait dû agir de manière plus transparente et plus honnête eut été de reprendre contact avec moi en faisant jouer les enchères, tant sur le temps que sur le prix. S’il fallait aller les chercher immédiatement, je l’aurais fait. En étant d’accord aussi pour augmenter le prix, par exemple 147 EUR pour le lot. Un euro la bouteille, ça le fait !

Si j’avais perdu ces enchères, j'aurais été battu à la régulière. Mais ici, je n’ai même pas pu jouer. J’ai perdu alors qu’on ne m’a même pas donné les cartes du jeu.

Je n’en fais pas un drame. Non seulement, cela m’évite de devoir trouver une place pour ranger ces 147 bouteilles, mais de plus je ne me faisais aucune illusion sur leur qualité, tout comme je ne m’en fais pas plus sur ces accords de vente entre personnes privées qui ne se connaissent pas et ne se connaîtront jamais. Parfois, tout se passe bien ; parfois, ça coince. On n’en meurt pas !

D’ailleurs, si j’en parle, c’est plus parce que j’avais besoin d’un billet libellé « Coups de blues » pour terminer mon cycle des 4 libellés. Voilà qui est fait. Et ça, c’est bien.

lundi 9 avril 2018

Lou, the Belgian Red Devil

Personne, aujourd’hui, ne sait la suite de l’histoire. Elle n’a d’ailleurs sans doute aucune importance. Du moins sur l’épisode proprement dit. Un bête poisson d’avril. Mais qui prend dès maintenant une autre dimension. Au service de la différence.

Or donc, ce 1er avril 2018, Luc Boland – un ami poète d’enfance – lance sur Facebook un bête poisson d’avril : son fils Lou a été choisi par l’Union belge de football pour composer l’hymne officiel des Diables rouges pour le Mondial 2018 en Russie. À ce stade de l’histoire, deux explications sont nécessaires.

Lou. Il a aujourd’hui 19 ans. Quelques temps après sa naissance, ses parents apprennent qu’il est porteur du syndrome de Morsier, une malformation congénitale du cerveau qui touche un enfant sur dix millions dans les cas sévères. Déficience mentale et cécité. Mais dans ces ténèbres, une étoile : Lou est doté de capacités musicales hors normes. Son papa poète est aussi cinéaste. Très tôt, il réalise « Lettre à Lou », un documentaire qui parle avec tant d’amour de son fils et qui se termine sur la découverte par Lou de son premier synthé. Émouvant. À cet instant, Luc ne sait pas encore que Lou apprendra tout seul à jouer des claviers (et autres instruments), qu’il chantera sur divers plateaux TV, qu’il séduira sur YouTube près d’1 500 000 personnes avec « Lou, je m’appelle Lou »… Histoire humaine et musicale peu banale !

De l’autre côté, les Diables rouges. Une génération de footballeurs hors normes également. Ils participeront au Mondial 2018 en Russie avec comme seule ambition (enfin, on l'espère !) : la victoire finale ! Tout le monde s’accorde sur le fait que cela fait partie des choses possibles. Ils ne sont pas favoris. Mais tout pourrait arriver. Il faut bien un hymne national pour les encourager (et faire rentrer des sous dans la caisse). L’Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) croyait avoir trouvé le chanteur idéal pour ce faire : Damso, un rappeur à succès, issu de la diversité. Malheureusement pour lui, Damso est aussi – dans son personnage public – légèrement misogyne. Par les temps qui courent, ça passe difficilement. Il a donc été – avec raison – déchargé de sa mission. À ce jour, personne pour prendre la relève.

Le premier avril, Luc lance donc son poisson d’avril : Lou a été choisi pour faire l’hymne des Diables ! Il n’y croit pas, mais finalement, pourquoi pas ? Plus d’une personne y a cru ! Mais ce n’est qu’un poisson ! Quand Luc raconte cela à Lou, celui-ci lui répond : « Mais je vais le faire, moi, cet hymne » ! La machine se met en marche : Luc écrit des paroles (en anglais, seul moyen de réunir flamands et francophones) basées bien sûr sur le respect de la différence. Lou les met instantanément en musique. Ils enregistrent le tout, en une prise pour chaque instrument, mais en plusieurs prises pour les voix. Chanter en anglais, ce n’est pas évident pour Lou ! Luc réalise le clip et le met en ligne. En moins de 24 heures, plus de 25 000 vues sur Facebook ! Ce n’est plus un poisson d’avril !



Ce poisson d’avril deviendra-t-il l’hymne officiel des Diables rouges ? Nul ne le sait. C’est peu probable. Mais la question n’est sans doute pas là. Une nouvelle fois, Lou fait le buzz, non pas pour sa gloire dont il n’a que faire, mais au service de tous ceux qui sont différents ! Quelle que soit leur différence.

Les parents de Lou ont bien sûr longuement réfléchi à la pertinence ou non de mettre leur incroyable fils sous les feux des projecteurs. Ils ont choisi de lui permettre de vivre son étonnante passion. C’est un choix rationnel d’adultes responsables pour un jeune dénué de toute raison, mais nourri à tout instant de passion émotionnelle. Ils ne le font en réalité ni pour eux ni pour lui. Ils le font parce qu’ils ont compris que Lou et son don étaient un outil extraordinaire – c’est le mot ! – pour promouvoir l’éloge de la différence. Ce ne sont pas les projecteurs qui sont importants. Seul importe ce qu’ils éclairent : la richesse de la différence. Quelle qu’elle soit. C’est elle qui nous donne sens.