mardi 28 juin 2016

Sondons, sondons

De toute évidence, l’heure est aux sondages de toutes sortes. Ceux-ci se transforment même parfois en referendums officiels, que ce soit avec valeur consultative, plus rarement valeur décisionnelle.

Je ne parlerai pas du « Brexit », même s’il y aurait des tas de choses à dire. Mais rien que ce soir, sur le site du Soir, je lis : « Romelu Lukaku divise l’opinion: doit-il débuter face aux Gallois ? (sondage) » ou encore « C’est vous qui le dites: ‘Il faut supprimer le CEB’ ». Et c’est comme ça tous les jours et partout ! De toute évidence, nombreux sont ceux qui cherchent à faire croire au peuple que c’est lui qui a raison. Et qu’en plus il pourrait d’une quelconque manière influencer les décisions.

Pourtant, soyons clairs : ce sera bien Marc Wilmots, et lui seul, qui décidera si Lukaku doit débuter ou non face aux Gallois, et qu’on le veuille ou non, le CEB n’est pas près de disparaître… Même si d’un point de vue strictement pédagogique, il ne sert strictement à rien, il s’inscrit pleinement dans une approche néolibérale de l’éducation et ce n’est pas demain la veille que nos politiciens, dans leur ensemble, changeront d’avancer sur cette base.

Alors, on peut consulter, sonder, donner la parole, faire croire aux gens que leur avis sera entendu… mais tout cela ne sert à rien, si ce n’est – justement – à endormir le peuple. En lui faisant croire qu’il existe et a quelque chose à dire.

On pourrait s’en offusquer. À quoi bon ? Notre société virtuelle trouve là une sorte d’aboutissement et elle doit sans doute s’en réjouir. C’est peut-être un « momentum » comme on dit aujourd’hui, mais ce n’est en fait qu’un passage. Ces sondages en tous genres témoignent avant tout de la défiance que l’on a, avec raison, vis-à-vis des décideurs. Pour le moment, ils ne servent à rien. Mais le peuple – le peuple réel – finira par comprendre qu’il ne sert à rien non plus de n’être qu’un peuple virtuel. Là non plus, ce n’est pas demain la veille. Mais enfin, inévitablement, un jour, ce sera le cas.

Alors, il y aura de véritables changements. Pour être crédibles, ceux-ci ne devraient pas se fonder sur une réaction violente. Mais sur une prise de conscience et une prise de responsabilités populaires. Au sens premier du terme. Cela viendra. Ce sera bien différent de toutes ces pseudos consultations. Ce ne sera pas le grand soir. Plutôt un petit matin. Mais il changera le monde. Enfin, c’est mon avis. Et vous, qu’en pensez-vous ?

dimanche 12 juin 2016

Auteur scolaire : un sous-statut

Parmi toutes les décisions prises par notre gouvernement fédéral, sans grande concertation ni intelligence, il y en a une qui est passée quasi inaperçue, mais qui suscite néanmoins plusieurs interrogations. Lors de sa séance du 9 juin 2016, le Conseil des ministres a approuvé un avant-projet de loi modifiant certaines dispositions du livre XI du Code de droit économique en matière de reprographie.

Cet avant-projet, qui devrait passer au vote en force de la loi-programme en juillet prochain, fait suite à l’arrêté de la Cour de justice de l'Union européenne (CJJUE) du 12 novembre 2015, interpellée par HP quant à la manière dont étaient gérés en Belgique les droits de reprographie, c’est-à-dire ceux qui découlent du préjudice subi tant par les auteurs que les éditeurs lorsqu’on photocopie ou reproduit une œuvre protégée.

Cet avant-projet contient diverses mesures dont je ne ferai pas état ici. Mon propos est de mettre en avant que désormais les auteurs d’ouvrages à visée éducative – essentiellement les manuels scolaires – seront désormais clairement défavorisés par rapport aux autres auteurs. Il est en effet « prévu que les reproductions d’œuvres conçues à des fins pédagogiques, comme par exemple les livres scolaires, ne relèvent pas de l’exception pour reprographie, mais restent dans le droit exclusif de l’auteur ». Cela signifie que les manuels scolaires sortent du cadre lié à la reprographie, mais sont gérés par le « droit exclusif », c’est-à-dire directement par les contrats avec les éditeurs.

On risque d’arriver dès lors à une situation où les enseignants photocopieront pour leurs élèves des manuels entiers ou en grande partie, sans qu’aucune rémunération réparatrice n'arrive chez les auteurs, et cela contrairement aux auteurs d’ouvrages non conçus à des fins pédagogiques.

Il faut savoir que les études objectives réalisées ont montré que ce sont les œuvres éducatives qui sont largement les plus photocopiées et les plus diffusées par ce biais. Les auteurs scolaires sont donc doublement lésés : non seulement ils sont ceux qui sont le plus « photocopillés », mais ils ne recevront désormais plus aucune rémunération réparatrice, à l’inverse des autres auteurs.

Il y a là une véritable discrimination, dont on ne comprend pas bien la raison d’être, si ce n’est de permettre aux photocopieuses de tourner encore plus, pour le plus grand bien des constructeurs ! Visiblement, ceux-ci sont les grands vainqueurs ! Et le gouvernement, par le biais du ministre de l'Économie Kris Peeters, a à nouveau clairement choisi son camp : celui du capital, des actionnaires, des grandes entreprises !